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Les articles sur la musique Bluegrass : WATSON BLUES



(Article écrit pour la revue de la FBMA, Fédération française de Bluegrass)
 Lundi 21 septembre 2015
WATSON BLUES

Un bien bel instrumental, ce Watson Blues, écouté pas plus tard que ce matin, dans sa version de 66 par Doc Watson & Bill Monroe (il y a aussi une très belle version de Tony Rice & David Grisman!). Pas de prouesses techniques ni de vitesse inconsidérée, tout dans le feeling, le "blues" justement. Avec le plan de guitare qui entame le morceau et remet la mandoline en jeu à chaque reprise… Le blues des petits blancs du sud-est étazunien, composante essentielle du style d'Arthel Lane Watson, cet homme enraciné dans l'univers montagnard de Caroline du Nord. D'ailleurs il inclut "Country Blues" de Dock Boggs , "Nashville Blues" des Delmore Brothers, et "Deep River Blues" dans le premier album paru sous son nom de scène, "Doc Watson" en 1964.

Là-dessus, mon téléphone sonne, c'est François Robert, le rédac-chef du Bluegrass Times, qui me passe commande d'un article urgent : Richard Watson est décédé le 1er juin d'une crise cardiaque.
En fait François n'a pas téléphoné, il a envoyé un courriel, mais il aurait pu, et puis c'est moi qui raconte, je fais comme je veux. Une semaine avant, je n'aurais su vous dire qui était ce Richard Watson, mais sur le forum FBMA (france-bluegrass.org), la nouvelle était déjà tombée grâce à Laurent Vue.
Peu d'informations disponibles à propos du petit-fils de la dynastie, Richard, moins connu que son père, Merle, lui-même infiniment moins célèbre que Doc. Cela pour expliciter l'introduction du présent article: Watson Blues, la tristesse d'une famille de musiciens dont plus personne ne perpétuera l'héritage.
 

Richard ne reprend pas le flambeau après la mort de Doc en 2012, mais avant. Il joue depuis plus de vingt ans et à de nombreuses occasions (tournées en Europe ou aux Etats-Unis) le rôle de son père, accompagnateur et faire valoir de Doc. Il a commencé en 1991, surmontant peu à peu son immense trac et offrant à son grand-père ce qu'un fidèle accompagnateur comme Jack Lawrence ne pourra jamais offrir, les liens du sang, l'illusion que Merle est d'une certaine façon encore là. Doc disait qu'une des plus belles choses qui lui soient arrivées depuis la mort de Merle, c'était que Richard se soit mis à la guitare.
D'après ce que j'ai pu en entendre, son style, assez blues, est proche de celui de Merle. En 1992 il enregistre l'album "Feeling The Blues", dédié à son père, disparu à 36 ans dans un accident de tracteur sur le domaine de la ferme familiale.

Et surtout, depuis sa création en 1988, il "fait partie des meubles" au MerleFest et en co-assure la légitimité. Ce festival, organisé par Doc à la mémoire de son fils, a lieu chaque année le dernier week-end d'avril à Wilkesboro (NC) dans la plaine à l'ouest de Deep Gap, le fief de la famille Watson. Avec 14 scènes et 4 jours de musique non stop, il attire jusqu'à 80000 personnes, est l'un des plus importants festivals de musique aux Etats-Unis et la troisième attraction touristique de Caroline du Nord. Le MerleFest offre un mélange de bluegrass, musique acoustique contemporaine, blues, folk, old-time, cajun, jazz, country, celtique, americana, rock et auteurs-compositeurs-interprètes. Le festival nomme cela "Traditional plus". Doc expliquait ce nom ainsi:
- Quand Merle et moi avons commencé, on a appelé notre musique du "trad plus". Cela signifiait  la musique traditionnelle de la région des Appalaches plus n'importe quel autre style que l'on avait envie d'incorporer. Dès le début, les organisateurs et moi avons été d'accord sur le fait que la musique du Merlefest, c'est du traditionnel plus.

Par exemple, en "plus" de passer avec leur configuration musicale attendue, les artistes peuvent souvent y être appréciés sur l'une ou l'autre des nombreuses scènes dans des jam sessions offrant des combinaisons inhabituelles de musiciens.


Richard Watson est nominé pour un Grammy Award 1999, catégorie "Best Traditional Folk Album", à l'occasion de la sortie de l'album "Third Generation Blues" produit et réalisé en coopération avec son grand-père. Seulement eux deux et T. Michael Coleman à la basse sur ces quatorze pistes, véritable collection de tubes. Jugez plutôt : du "Honey Please don't Go" de Bukka White à "Summertime" des frères Gershwin, en passant par "House of the Rising Sun", "Saint James Infirmary", "If I Were a Carpenter" de Tim Hardin (autrefois repris par notre Johnny national) et autres "Milk Cow Blues" ou "Columbus Stockade Blues" ! Un album très plaisant, même si pas essentiel, enregistré, mixé et masterisé par Bill Wolf (l'homme à qui Tony Rice confiait toutes ses réalisations), et ensoleillé par la voix chaude et inimitable de Doc.
Richard est aussi présent sur l'album " Around the Table Again" (Doc Watson with Frosty Morn), moins intéressant à mes oreilles. En revanche, ne serait-ce que pour sa valeur de témoignage, les entretiens inclus ou le livret de 72 pages avec photographies rares qui l'accompagne, le triple album "Legacy" paru en 2002 et produit par David Holt intéressera davantage le passionné de saga watsonienne… Il obtiendra le Grammy 2002, toujours dans la catégorie Best Traditional Folk Music (Doc en aura au total remporté sept, plus un pour l'ensemble de son œuvre).
Dans un des entretiens, Doc explique l'origine du surnom. Au cours d'un enregistrement radiophonique en public, le présentateur, remarque son prénom désuet (Arthel) et peu radiophonique, déclare qu'il a besoin d'un surnom simple. Quelqu'un dans la foule crie "Call him Doc!" (appelez-le "Doc"), en référence au personnage de Conan Doyle, le docteur Watson, fidèle compagnon de Sherlock Holmes…


Doc Watson 1923-2012 –  son épouse Rosa Lee Watson 1931-2012
Leur fils Eddy Merle 1949-1985 et leur fille Nancy Ellen 1951-
Leur petit-fils Richard Eddy 1967-2015.
(Eddy en hommage à Eddy Arnold, et Merle en hommage à Merle Travis)

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